Sur la décision n°488978 rendue le 27 Septembre 2024 par le Conseil d’Etat

Le statut des enseignants-chercheurs présente une certaine ambivalence.

Les enseignants-chercheurs sont soumis à certaines règles spécifiques (voir les articles R. 712-9 et suivants du Code de l’éducation) et peuvent se prévaloir d’une indépendance constitutionnellement garantie. Le Conseil constitutionnel juge ainsi que « par leur nature, les fonctions d’enseignement et de recherche exigent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs soient garanties ». Il ajoute « qu’en ce qui concerne les professeurs, la garantie de l’indépendance résulte en outre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».

Il n’en demeure pas moins qu’ils sont soumis à une « déontologie universitaire » et à l’essentiel des obligations disciplinaires applicables à tous les fonctionnaires et prévues par le statut général de la fonction publique (voir les art. L. 530-1 et suiv. du Code général de la fonction publique).

Par sa décision n°488978 du 27 Septembre 2024 intervenant dans une affaire singulière, le Conseil d’Etat rappelle certaines de ses obligations incombant aux enseignants-chercheurs.

Les faits remontent au mois de mars 2018, lorsque des étudiants occupaient un amphithéâtre de l’université de Montpellier dans le cadre d’un mouvement national de protestation contre Parcoursup et la loi « Orientation et réussite des étudiants ».

L’homme au centre de cette affaire, un professeur d’Université, avait activement participé à l’expulsion manu militari des étudiants, « avec l’aide notamment de personnes extérieures à l’université, pour certaines cagoulées et munies de planches de bois ainsi que d’un pistolet à impulsion électrique ».

Une enquête menée pour déterminer les circonstances de cette équipée avait permis d’identifier le rôle actif de ce professeur d’Université dans la mise en œuvre de l’opération. Après quoi, il avait été décidé à l’encontre de ce dernier des poursuites pénales mais aussi des poursuites disciplinaires.

Ping-pong procédural entre le CNESER et le Conseil d’Etat

Un chemin procédural complexe s’en est suivi, au cours duquel le CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) est revenu sur la révocation qui avait été prononcée par le conseil académique de Sorbonne Université (section disciplinaire qui avait été en charge d’instruire la procédure disciplinaire).

Le CNESER, compétent pour examiner les sanctions prises à l’encontre des enseignants-chercheurs lorsqu’il y a un appel contre la décision d’un conseil disciplinaire universitaire, a modifié la sanction en ne retenant qu’une interdiction d’exercer pendant quatre ans.

Cette sanction a été annulée par une décision du Conseil d’État en décembre 2022. Le Conseil d’Etat a en effet estimé que la sanction du CNESER était insuffisamment sévère par rapport à la gravité des faits. L’affaire a donc été renvoyée au CNESER qui, en septembre 2023, a à nouveau retenu la même sanction de quatre ans d’interdiction, malgré les indications de la juridiction administrative suprême.

Le Conseil d’État était donc saisi d’un nouveau pourvoi par l’université de Montpellier.

Soulignant la gravité des faits reprochés, la haute juridiction administrative a cette fois pris elle-même la sanction de révocation à l’égard du professeur. Le Conseil d’Etat a rappelé en outre, dans sa décision, que les enseignants-chercheurs doivent respecter des valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité, lesquelles sont énoncées par le Code de l’éducation.

Ces manquements à ces principes justifiaient une sanction sévère, proportionnée à la gravité des faits.

Cette décision a également été l’occasion pour le Conseil d’État de réaffirmer un principe en matière de sanctions disciplinaires infligées aux agents publics. Dans cette affaire, le professeur avait, en parallèle, fait l’objet d’une condamnation pénale, pour les mêmes faits.

Le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence constante suivant laquelle la juridiction disciplinaire doit prendre pour établies les constatations factuelles ayant conduit à une condamnation pénale devenue définitive.

 

Le cabinet Andotte Avocats accompagne les enseignants-chercheurs, dans le cadre de leurs litiges professionnels et des procédures disciplinaires auxquelles ils peuvent faire face.