Par un arrêté du 1er mars 2024, le préfet du Var a pris des mesures de police sur le territoire des communes de Hyères et Carqueiranne pour une période comprise entre le 4 et le 8 mars 2024.

Le problème auquel s’attaquait cet arrêté n’était pas aussi original que les mesures qu’il comportait, puisqu’il s’agissait de prévenir les troubles liés aux trafics de stupéfiants qui, dans certains quartiers de la région, occasionnent tragiquement des règlements de compte.

Le préfet a ainsi décidé, aux côtés de mesures de police relativement classiques – telle que la restriction du port d’armes (interdiction qui compte parmi les décisions pouvant être prises par le préfet, en vertu de l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure) –, d’interdire à toute personne résidant dans le département des Bouches-du-Rhône et connue pour des antécédents judiciaires en matière de stupéfiants d’accéder, sauf à justifier d’un « motif légitime », de circuler ou de stationner sur la voie publique, sur le territoire des communes de Hyères et de Carqueiranne.

Une telle mesure présentait d’abord un certain nombre de difficultés du fait de son imprécision. Qu’est-ce qu’un antécédent judiciaire : condamnation, verbalisation ou simplement le fait « d’être défavorablement connu des services de police », pour reprendre une expression consacrée ?

Par l’évocation de ces « antécédents judiciaires », la mesure d’interdiction semblait cibler un public large : pouvait-elle concerner, en plus des réseaux de trafic de stupéfiants, les consommateurs même très occasionnels qui ont pu, parfois par erreur de jeunesse et plusieurs années auparavant, commettre l’infraction prévue à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ?

En quoi consistent les motifs légitimes qui permettraient à un ami ou à un client de ne pas se faire verbaliser lorsqu’ils se rendraient dans ces deux communes ?  

Surtout, la légalité de l’arrêté semblait d’autant plus douteuse que la mesure n’apparaissait guère proportionnée.

Dès lors qu’elle porte atteinte à des libertés, une mesure de police doit, on le sait, être adaptée, nécessaire et proportionnée. En d’autres termes, elle doit être à même d’atteindre son objectif et constituer la mesure la moins restrictive possible au regard de ce but.

Or, ici, outre qu’on voyait mal l’effet qu’aurait pu avoir une contravention de quatrième classe (correspondant à une peine d’amende maximale de 750 €) sur un délinquant chevronné, la mesure excédait géographiquement les zones où avaient lieu l’essentiel des troubles liés aux trafics de stupéfiants, en couvrant l’intégralité de deux communes.

Saisi notamment par le cabinet pour le compte de la Ligue des droits de l’homme, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a ainsi considéré, par une ordonnance du 7 mars 2024, que « la mesure de police attaquée n’est ni adaptée ni proportionnée au but poursuivi par l’administration », et que « dans ces conditions, le préfet du Var a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir des personnes visées ». Il a, en conséquence, suspendu l’exécution de l’arrêté du 1er mars 2024.

Pour lire l’ordonnance :  L’ordonnance du tribunal administratif de Toulon

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