Sur la décision n° 491665 rendue le 21 octobre 2024 par le Conseil d’État

Le décor est la station balnéaire de Hyères-les-Palmiers.

Une entreprise – la société SMDR – était le titulaire sortant d’un contrat de concession portant sur l’exploitation de l’ établissement de plage « Les Salins » à Hyères.

Après que la commune a diffusé un avis d’appel à la concurrence le 31 mai 2023 en vue de la passation du nouveau contrat de concession, c’est la société Les Voiles d’Or qui a été retenue.

Saisi d’un référé précontractuel (article L. 551-1 du code de justice administrative), le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a finalement, par une ordonnance du 29 janvier 2024, annulé la procédure de passation contestée par ladite société évincée – au détriment de la société Les Voiles d’Or qui s’était vue attribuer le lot de plage.

Mais le tribunal administratif l’a fait sans appeler à l’instance, la société Les Voiles d’Or, et donc sur la seule base des échanges entre la société SMDR et de la commune d’Hyères.

 

A propos d’un écueil procédural

Estimant ne pas pouvoir faire autrement, la société Les Voiles d’Or a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du juge des référés.

A l’occasion de la décision ici commentée, le Conseil d’Etat rappelle que l’entreprise n’était pas autorisé à le faire : en effet, la voie de la cassation n’est ouverte qu’aux parties à l’instance à l’issue de laquelle la décision de justice contestée a été rendue (Conseil d’Etat, 19 décembre 2023, n° 445220, aux Tables).

Cette subtilité trouve son origine dans le fait que le juge de cassation ne fait que juger le jugement et ne pose pas un nouveau cadre pour un re-jugement du litige.

Elle garantit, en outre, sans doute qu’une nouvelle partie ne puisse, tel un deus ex machina, s’introduire dans un litige qui a déjà été jugé au fond, pour remettre en cause la solution dont les parties se sont peut-être, serait-ce par dépit, accommodées.

Le Conseil d’Etat rappelle en revanche que la voie de la tierce-opposition demeure ouverte à la personne qui n’a pas été appelée ni représentée à l’instance et dont la décision qui a été rendue préjudicie à ses droit.

Il ajoute que ctte voie de recours est ouverte y compris lorsque cette décision a fait parallèlement déjà l’objet d’un pourvoi en cassation formé par une autre partie.

Pour rappel, la tierce opposition, régie par l’article R. 832-1 du code de justice administrative, permet de faire rejuger une affaire dans l’intérêt de personnes qui étaient directement concernées mais qui n’ont pas été appelées à la cause.

Récemment, le Conseil d’Etat a rappelé le caractère très étroit de cette voie d’accès au juge. Il a souligné que la circonstance qu’une personne justifie d’un intérêt pour agir contre une décision ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition (CE 25 janvier 2023, n° 449197). Ainsi, pour garantir la recevabilité d’une tierce-opposition, une seule lésion des intérêts d’une personne ne suffit pas, il faut que la décision de justice ait préjudicié aux droits de la personne.

Dans sa décision, le juge souligne par ailleurs qu’une partie non appelée à l’instance devant le juge du fond qui forme un recours intitulé « pourvoi en cassation » doit « être regardé comme une requête en tierce opposition », en réalité.

A côté de cela, évidemment, la voie de la tierce-opposition n’est pas ouverte à la partie qui a été appelée à produire des observations devant le tribunal mais qui a négligé de le faire (CE 10 février 2022, Cne de Saint-Cannat, n° 453423).

 

La tierce-opposition, une voie de recours au haut potentiel procédural

Si la tierce opposition est admise, le jugement initialement rendu peut être déclaré nul et non avenu si le juge considère que les éléments produits sont de nature à infléchir la solution initialement dégagée.

En ce sens, cette voie de recours peu utilisée peut être très efficace.

Elle peut d’ailleurs être utilisée dans de nombreux domaines du droit administratif.

C’est par exemple l’hypothèse typique dans laquelle un jugement ordonnant l’expulsion de tous les résidents d’un immeuble a préjudicié à l’occupant qui n’était pas partie à la procédure à l’issue de laquelle l’ordre d’éviction a été prononcé.

Cette voie de recours a aussi été utilisée avec succès par le bénéficiaire, même indirect, d’une déclaration d’utilité publique contre le jugement annulant cette déclaration d’utilité publique (CE 10 mai 1985 no 50188 , CCI d’Annecy).

A également été admise la tierce-opposition formée par un pharmacien contre le jugement qui avait annulé le retrait de l’autorisation de transfert de l’officine d’un concurrent (CE 30 déc. 2015, req. no 375838 , EURL pharmacie de la Source).

Si vous n’avez pas été appelé à l’instance d’un jugement et que ce dernier a préjudicié à vos droits, la voie de la tierce-opposition est une voie adaptée. Le cabinet Andotte peut vous accompagner, pour former ce recours.

 

 

 

 

 

 

 

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