Suspension des aides sociales des familles dites « de délinquants », ou en raison du comportement adopté par son bénéficiaire…

Les communes, départements et régions sont aujourd’hui nombreux à modifié les conditions d’attribution des aides facultatives communales ou régionales pour autoriser la suspension de l’accès des aides et ainsi adopter un type de dispositif qui permettraient, selon eux, de soutenir les pouvoirs publics pour sanctionner les incivilités et comportements constitutifs de troubles à l’ordre public.

Il est vrai qu’il est possible de conditionner le bénéfice d’aides sociales à des conditions tenant au comportement de son bénéficiaire. Cela a déjà été admis, on le sait, s’agissant de prestations familiales, ou s’agissant d’une allocation municipale d’habitation où le bénéfice de l’aide était soumis à la participation personnelle à des activités d’intérêt général ou d’utilité publique.

Mais tout comportement ne peut pas donner lieu à une sanction administrative.

Surtout la plupart des délibérations méconnaissent une série de garanties issues du droit pénales et consacrées par le juge administratif. On pense ici au principe de légalité des délits et des peines, aux droits de la défense, ou à l’exigence de personnalité des peines. Il faut enfin que les critères posés soient définis en termes suffisamment clairs et précis au regard des obligations qui pèsent sur les administrés, que le principe d’égalité soit respecté, et que soient précisées les modalités de la suspension des aides.

Enfin et de manière générale, on peut s’interroger sur la raison d’être de tels dispositifs : les aides sociales facultatives s’adressent aux plus vulnérables et sont attribuées afin de leur garantir des moyens de subsistance et de favoriser leur insertion sociale, aussi se pose la question de savoir si le critère tenant aux antécédents pénaux entretient un lien suffisant avec un dispositif institué pour lutter contre la précarité des plus vulnérables, précisément dans la mesure où les familles dont l’un des membres est l’auteur a été auteur de l’infraction, figurent souvent parmi celles qui connaissent le plus de difficultés sociales et rencontrent des parcours d’insertion accidentés.

 

Pour aller plus loin, le Conseil d’Etat a récemment suspendu une délibération prévoyant la suspension des aides sociales facultative en raison de ce que créait un doute sur sa légalité le moyen tiré de ce que, en raison des imprécisions quant aux circonstances pouvant conduire à la suspension des aides sociales facultatives et de l’absence de tout encadrement, la délibération prévoyant la suspension des aides sociales facultatives était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation : CE, 24 juin 2022, commune de Caudry c. LDH, n° 454799.