La volonté d’éviter la propagation de l’épidémie de Covid-19 a été source de créativité en particulier dans le domaine des nouvelles technologies. Parmi les dispositifs nouveaux qui ont vu le jour, figurent les caméras thermiques, caméras qui captent la température corporelle des personnes entrant dans son champ et qui émettent un signal d’alarme lorsque cette température est regardée comme anormale.

Plusieurs collectivités territoriales et entreprises françaises ont ainsi adopté ces derniers jours cette nouvelle technologie déjà bien connue en Corée du Sud ou à Singapour aux fins de dépister les personnes éventuellement atteintes du virus.

Mais loin d’être entérinée, la légalité d’un tel dispositif est contestable et contestée.

En premier lieu, ces caméras “intelligentes” qui traitent des données biométriques et qui captent la température corporelle des personnes physiques identifiées entrent a priori dans le champ du règlement sur la protection des données personnelles (RGPD), lequel interdit par principe tout traitement des données à caractère personnel qui révèle des données concernant la santé.

Le discours des fournisseurs suivant lequel ce dispositif serait hors du champ de cette législation en l’absence d’enregistrement des images doit inspirer la plus grande méfiance dans la mesure où la seule consultation ou utilisation des données identifiantes est constitutive d’un traitement, indépendamment de l’enregistrement et de la conservation des données (v. en ce sens sur la question des drones : CE, Ord., 18 mai 2020, n° 440442).

En second lieu, la captation de la température corporelle obligatoire, sans recueil du consentement préalable de l’intéressé, serait également de nature à méconnaître les règles applicables en matière médicale dès lors que la prise des constantes participe des actes de diagnostics lesquels constituent des actes médicaux dont la réalisation est subordonnée au consentement des intéressés.

En troisième lieu, l’utilisation d’un tel dispositif et l’exclusion des personnes identifiées comme ayant une température anormalement élevée sont de nature à entraîner une atteinte au droit au respect de la vie privée privée ainsi qu’une discrimination à raison de l’état de santé.

On sait que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée doit, pour être admise, être proportionnée et adaptée, et, s’agissant ensuite des discriminations, celles-ci doivent être justifiées par un objectif légitime et comporter un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Or, là encore, une discussion pourrait pertinemment être ouverte dans la mesure où l’utilité et l’adaptation de ce dispositif sont largement débattues puisqu’il est acquis qu’une large part des personnes contaminées sont asymptomatiques et inversement qu’une température élevée peut simplement révéler un état de santé fébrile, sans pour autant être liée à la contraction du Covid-19. Dit autrement, l’efficacité d’un tel dispositif pour lutter contre l’épidémie est limitée si bien que l’atteinte qui en résulte pourrait être regardée comme étant disproportionnée.

En l’état, la CNIL a expressément indiqué sur son site internet qu’en l’absence de texte, ce dispositif de caméras thermiques n’était pas autorisé. De même, le ministre en charge du travail a catégoriquement exclu l’usage de ce dispositif dans le protocole de déconfinement à destination des entreprises.

En l’état, la CNIL a expressément indiqué sur son site internet qu’en l’absence de texte, ce dispositif de caméras thermiques n’était pas autorisé. De même, le ministre en charge du travail a catégoriquement exclu l’usage de ce dispositif dans le protocole de déconfinement à destination des entreprises.

Il est fort probable que le Conseil d’Etat se prononcera dans les jours qui viennent sur la question et, si le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a déjà estimé que l’installation d’un tel dispositif ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales en cause, il a néanmoins retenu, pour conclure de la sorte, que ce dispositif constituait un traitement au sens du RGPD et que, dans les circonstances de l’espèce, les usagers avaient le choix de se soumettre ou non à la caméra, si bien que leur consentement était requis.

Un conseil donc, prenez la température de ces nouveaux équipements sur le plan juridique avant de vous lancer dans un investissement conséquent.

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