Dans une décision du 22 décembre 2023 portant sur les règles de procédure disciplinaire, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions dans lesquelles un rapport d’enquête administrative et les témoignages qui y sont annexés devaient être communiqués au fonctionnaire poursuivi.

Dans la fonction publique, les procédures disciplinaires (soit donc celles que les administrations engagent pour sanctionner le comportement d’un agent qu’elles considèrent fautif) sont menées en tenant compte de garanties offertes à l’agent.

Celles-ci sont prévues par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 (pour la fonction publique de l’Etat), par le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 (pour la fonction publique territoriale) et par le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 (pour la fonction publique hospitalière).

Dans le cadre posé par ces textes, l’agent poursuivi doit avoir la possibilité de prendre connaissance de l’intégralité de son dossier avant le prononcé de la sanction. Cette garantie a pour objet de permettre au fonctionnaire de présenter efficacement ses observations sur les faits qui lui sont reprochés.

La méconnaissance de cette garantie procédurale entraîne l’annulation de la mesure de sanction qui a été prise.

Avant la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire, l’administration diligente fréquemment une enquête administrative lorsqu’il est nécessaire de rassembler des éléments pour établir les faits.

Dans une décision rendue en Section le 22 décembre 2023, le Conseil d’Etat s’est penché sur la question du caractère communicable du rapport établi par une mission d’inspection et des témoignages recueillis par les inspecteurs qui y sont annexés.

Le juge administratif a retenu que : « Dans le cas où, pour prendre une sanction à l’encontre d’un agent public, l’autorité disciplinaire se fonde sur le rapport établi par une mission d’inspection, elle doit mettre cet agent à même de prendre connaissance de celui-ci ou des parties de celui-ci relatives aux faits qui lui sont reprochés, ainsi que des témoignages recueillis par les inspecteurs dont elle dispose, notamment ceux au regard desquels elle se détermine. Toutefois, lorsque résulterait de la communication d’un témoignage un risque avéré de préjudice pour son auteur, l’autorité disciplinaire communique ce témoignage à l’intéressé, s’il en forme la demande, selon des modalités préservant l’anonymat du témoin. Elle apprécie ce risque au regard de la situation particulière du témoin vis-à-vis de l’agent public mis en cause, sans préjudice de la protection accordée à certaines catégories de témoins par la loi. Dans le cas où l’agent public se plaint de ne pas avoir été mis à même de demander communication ou de ne pas avoir obtenu communication d’une pièce ou d’un témoignage utile à sa défense, il appartient au juge d’apprécier, au vu de l’ensemble des éléments qui ont été communiqués à l’agent, si celui-ci a été privé de la garantie d’assurer utilement sa défense. »

Par cette décision, la haute juridiction administrative a affiné le cadre qu’elle avait déjà posé quelques années auparavant.

Pour rappel, antérieurement, le principe était que le rapport d’enquête et les procès-verbaux des auditions des personnes entendues font partie des pièces dont l’agent doit recevoir communication, au moment de la procédure disciplinaire.

Le Conseil d’Etat avait prévu l’application de ce principe sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné (Conseil d’Etat, 28 janvier 2021, n° 435946, aux Tables). Cette ligne jurisprudentielle s’inspirait de celle dégagée dans un contentieux voisin : celui de la communicabilité des pièces du dossier dans le cadre de l’enquête contradictoire menée par l’inspecteur du travail dans l’instruction d’une demande d’autorisation de licenciement (CE Sect. 24 novembre 2006, Rodriguez, n° 284208, au Recueil Lebon).

Avec le principe posé par la décision du 22 décembre 2023, il n’est plus nécessaire d’établir un risque de « préjudice grave » pour limiter la communication d’un témoignage ; et le Conseil d’Etat retient que l’existence d’un « risque avéré de préjudice pour (l’) auteur (du témoignage) » suffit à cela.

A partir du cadre posé par la décision du 22 décembre 2023, l’administration a trois options :

– la première (qui constitue le principe) est celle consistant à choisir de communiquer (à condition que l’agent en fasse la demande) le rapport d’enquête ainsi que les témoignages ;

– la deuxième est celle de ne communiquer que partiellement le rapport et les témoignages, au besoin en anonymisant certaines pièces et en dissimulant certaines données identifiantes, sous réserve que l’administration puisse démontrer qu’une communication complète ferait courir un risque avéré pour le témoin ;

Troisièmement, en tout état de cause, seules les pièces du rapport sur lesquelles l’administration se fonde doivent faire l’objet d’une communication. Dans ces conditions, l’administration peut choisir de ne pas porter à la connaissance du fonctionnaire poursuivi des pièces sur lesquelles il ne compte pas se fonder.

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